Ni idéalisation ni diabolisation

L’utilisation d’Internet en pédagogie ne doit pas porter sur des savoirs constitués, mais sur la façon dont tout savoir se constitue à travers des échanges, des filtres et des remaniements multiples.
Serge Tisseron, psychanalyste, La Croix, 8-9 février 2003.

Lisez le texte ci-dessous et remplissez les trous en utilisant les articulateurs qui manquent, selon le sens.

   Alors que      Bref      C'est pourquoi      en effet      En outre      Enfin      Ensuite      Mais      Pourtant   

Près de la moitié des connections sur Internet concernent la consultation de sites sexuels. , d’autres études montrent que les jeunes l’utilisent surtout comme moyen d’entrer en contact les uns avec les autres dans des « chats » et des forums. Autrement dit, avec Internet, tout est affaire d’usages. Mais quelles que soient les raisons qui nous y poussent et les contenus que nous y privilégions, sa pratique nous transforme. Tout d’abord, l’usage d’Internet guérit les idées toutes faites, que ce soit dans le sens de son idéalisation ou de sa diabolisation. Il indique à chacun ce qu’il peut en attendre réellement, bref, il remet les pieds sur terre.
, la « Toile » contribue à un nouveau rapport à l’écran, dans lequel textes et images sont associés de façon à être lus ensemble. Le temps où de nombreuses personnes invoquaient leur incapacité à lire des bandes dessinées ou des films sous-titrés pour cette raison n’est pas loin de nous, et il nous paraît pourtant relever d’une autre époque. Sur le plan de la relation de l’homme avec les outils qu’il se donne, ce bouleversement est aussi important que le passage de la lecture à voix haute à la lecture muette.

, une critique souvent adressée à Internet est qu’il est impossible d’y connaître l’exactitude des informations qui y circulent.
peut-on les vérifier dans les journaux ou à la télévision ? L’important, avec Internet, est ailleurs. C’est moins l’information en soi qui importe que les stratégies de son élaboration. On trouve à la fois sur la « Toile » des messages, leurs reprises par des interlocuteurs multiples et leur forme la mieux synthétisée sous la « plume » d’un interlocuteur privilégié. , il faut apprendre à y gérer l’inattendu, à y reformuler ses hypothèses et à y travailler avec d’autres… même dans les jeux en réseaux. son utilisation en pédagogie ne doit pas porter sur des savoirs constitués, mais sur la façon dont tout savoir se constitue à travers des échanges, des filtres et des remaniements multiples. Les réseaux révèlent d’ailleurs les attentes de réciprocité et d’altérité qui préfigurent peut-être les dispositifs d’accès à la connaissance de demain.
, Internet privilégie un nouveau rapport au langage. Ce n’est pas parce qu’ils ne « savent pas le français » qu’un si grand nombre d’internautes utilisent une orthographe phonétique, c’est parce que celui-ci provoque une véritable jubilation par rapport aux contraintes de l’écriture papier-crayon. l’écriture sur papier est tributaire des apprentissages scolaires, celle sur ordinateur est inséparable de l’idée d’une communauté de gens susceptibles de participer aux mêmes goûts, aux mêmes projets, aux mêmes enthousiasmes et aux mêmes rêves que soi. Un vieil adage a longtemps opposé les paroles, qui passent, aux écrits qui « restent ». L’écriture sur Internet relève de l’idée qu’elle contient bien une vérité dans le moment de sa formulation, mais que celui-ci est éphémère. Pour s’engager dans cette écriture-là, il faut donc accepter de renoncer à l’obligation du « bien écrire » et se laisser gagner par la conviction de rencontrer un interlocuteur bienveillant et partageant comme soi le désir d’un échange ponctuel et instantané.

Tous ces aspects d’Internet ne sont malheureusement pas expliqués, lorsqu’on y entre, et certains utilisateurs en sont déroutés. les conseils apportés aux utilisateurs, jeunes ou âgés, ne devraient pas seulement être techniques, mais expliciter aussi les règles d’usage de la « Toile » afin que chacun se sente libre de se les approprier selon ses nécessités du moment.

, si Internet n’existait plus, nous n’aurions pas forcément à le réinventer, mais nous aurions tout intérêt à développer, avec d’autres moyens, les usages qui s’y avèrent les plus porteuses d’avenir. Alors, puisqu’Internet existe, engageons-nous-y, et, d’autant plus que la logique d’un tel dispositif est d’évoluer avec les utilisations qu’en font ses usagers.
Source: Activités pour le Cadre Européen Commun de Référence. Niveau B2. Clé International.